Un royaume tragique
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par Neil Unmack
Disney se comporte comme Oncle Picsou avec ses investisseurs français. Le créateur de "La chanson de Noël de Mickey" veut racheter les actionnaires d'Euro Disney à un prix qui pourrait minimiser le potentiel du parc à thème parisien.
Le cours de l'action d'Euro Disney a chuté de 94 % au cours des 20 dernières années. Un actionnaire, le fonds spéculatif CIAM, poursuit le groupe mère et affirme que l'attraction parisienne est gérée au profit de la Walt Disney Company, au détriment des autres actionnaires. Aujourd'hui, la société mère américaine, qui détient 86 % de l'entité française et qui est également créancière, propose de racheter les minoritaires avec une prime de 67 %, soit 1,6 milliard d'euros.
Si Euro Disney n'était qu'un parc à thème non rentable, cela pourrait sembler juste. Si l'on ajoute à cela une dette de 1,2 milliard d'euros, la valeur d'entreprise de 2,8 milliards d'euros représente environ deux fois le chiffre d'affaires qu'Euro Disney devrait réaliser en 2017 selon Oddo Securities. Ce multiple est en ligne avec le secteur des loisirs, mais généreux pour une entreprise qui, après les dépenses d'investissement, n'a pas généré de flux de trésorerie disponible depuis 2011.
Deux éléments suggèrent que Disney mène les investisseurs en bateau. Premièrement, elle perçoit des droits de licence qui, selon CIAM, représentent entre le double et le quadruple du taux du marché, soit environ 2,5 %. Un membre du conseil d'administration a récemment démissionné en invoquant la rentabilité lamentable du parc. Ensuite, il y a la propriété. Euro Disney a un contrat pour acheter, développer et vendre plus de 1 000 hectares de terrains parisiens. Une étude commandée par CIAM estime que cela pourrait valoir 1,9 milliard d'euros. Disney conteste ces arguments et souligne que l'autorité française de régulation des marchés a approuvé un prix inférieur.
Supposons qu'Euro Disney puisse porter l'EBITDA à 210 millions d'euros en 2018, ce qui impliquerait une marge plausible de 15 %. Avec un multiple de 10 peu généreux et en incluant les terrains, la valeur totale pourrait être d'environ 4 milliards d'euros, soit 2,8 milliards d'euros après déduction de la dette nette.
La juste valeur est un critère utile, mais les batailles avec les investisseurs minoritaires se résument souvent au prix à payer pour faire disparaître une nuisance. De nombreux actionnaires d'Euro Disney restent dans la société autant pour les réductions sur les parcs d'attractions que pour le rendement des actions. Disney peut se permettre d'être un peu plus généreux, mais les changements d'avis à la Picsou ne se produisent que dans la fiction.